J’ai déjà écrit ce matin.
Me suis dit que je le prenais plutôt bien.
Que finalement avoir failli perdre la tête,
En soi n'est pas un drame,
Juste failli
C’est malheureux peut-être
J'ai déjà écrit ce matin,
Je mentirai de dire que ça m'a fait du bien
Ma tête essaie de rester froide,
La belle scène familiale,
Un tel topos,
L’un et l'autre dressés
Comme chiens pour un os,
La mère faible et pleurante,
Tendant ses mains décharnées,
Pathétique innocente,
A quoi rêvait-elle donc?
Ne sentait-elle pas que lui et moi n'avions qu'une envie,
Unis dans la furie :
Que l'autre cogne,
Et riposter?
Ma tête essaie de négocier
Avec les béances familières où je sais me plonger
Je me fais dure,
Je me fais murs
Seuls mes sursauts me disent bouleversée,
Tressaillements ridicules qui s'étaient espacés
Au long de ce printemps où j'ai presque coulé
Je ne sais que venir ici cracher
Les larmes naïves des harpies rejetées
Car le temps que je passe
À faire naître des mots
Un cauchemar sans trace
Est autant de gagné
J’ai gardé la mémoire de la douleur
Quand je me recroquevillais au cocon de mes peurs
Et je refuse de sombrer
Dans l'attrait menteur d'une eau immobile
Où renoncer paraît facile ;
J’ai déjà écrit ce matin,
Car cela je sais faire,
Fouiller dans mes enfers
Prudente thérapie
Des violences honnies
J’aimerais que mon encre docile
À mesure qu'elle déroule son fil
Soit capable d'effacer
Les horreurs proférées
Mais il n'en est rien,
Et j'en prends pour 20 ans,
À me demander pourquoi, et puis comment?
J’ai déjà écrit ce matin,
De mots pour moi des mots pour rien
Dont tu n'auras pas connaissance
Des mots sur nos démences
Tant pis s'ils figent dans une ambre obscure
Nos poings serrés nos regards durs
J’ai déjà écrit ce matin,
Je n'attendrai pas encore une vie
Pour apaiser notre folie.
* j'emprunte mon titre à Jacques Prévert.