Le sentier est bien balisé,
Je l'ai suivi souvent,
La pente herbeuse du marais.
J’ai mille ans d’existences avortées.
Je creuse la terre
À genoux
Mes ongles courts raclent la boue
Mon visage est un cri de colère
Déformé sous les coups
J’ai déposé une âme
Quelque part sous la berge,
Arrachant avec peine
Les fils gluants du passé,
Me suis abandonnée.
Un silence inhabituel règne dans ma tête
Dehors les hyènes rôdent
Précédant la tempête
C’est leur rire de charogne
Qui s’affiche sur mes lèvres
Et c’est mon cœur qui cogne
Sous leurs sarcasmes de bêtes
Je me suis dépossédée
A trop m’analyser
Je veux reprendre mon bien
Ces tourments sont les miens,
Assumer l’héritage
De très anciennes cages
J’enfonce encore plus loin
Mes doigts dans la terre mouillée
Puis mes poignets,
Des gants visqueux remontent à mes coudes
Protection bien commode
Anti céphalopode
Mais je veux aller à la rencontre
Des méduses de fonte
Accueillir leurs ventouses obsédantes
Tout au fond de mon ventre
Je serre ma chair nue
Dans la glaise
Prête à retirer ma mue
Dans la peur et la honte
Je rêve de retrouver la matrice
D’une étreinte faussement protectrice
Mes cheveux se mêlent au sol
Longues mèches où s’enfoncent les vers
Qui bavent sur mes joues
Dans l’horreur du bayou
Leurs désirs d’éthanol
Et leurs baisers pervers
Je travaille encore plus fort
A rejoindre cet abri irradié
Que je me suis forgé
Je sens déjà le goût sur ma langue
D’un cœur de salamandre
Mon corps s’ouvre à la morsure
Du fer et ses brûlures
Déjà j’ai perdu pied
Je ne sais plus mesurer
La profondeur nécessaire
A la tombe salutaire
A force de creuser
Je finirai bien par retomber.